Objet du Moment
Afin de faire connaître au plus grand nombre le patrimoine archéologique de l'agglomération de Bourges, le service d'archéologie de Bourges Plus et la direction des musées et patrimoine historique de la ville de Bourges se sont regroupés pour développer l'action "objet du moment".
Tous les 4 mois, un ou des objets sont sortis des réserves du service d'archéologie et/ou des musées afin d'être présentés au public dans une vitrine! Ce rendez-vous régulier met en lumière des collections, pour certaines inédites, dévoilant un pan de l'histoire des 17 communes de l'agglomération de Bourges Plus !
Des morts et des maux : se soigner dans l’Antiquité
Si l’archéologie se construit autour des artefacts laissés par l’homme elle s’intéresse aussi à l’individu lui-même. Parmi les vestiges du passé, l’étude des sépultures constitue ainsi une spécialité en elle-même : l’archéo-anthropologie funéraire. Plongez sous terre à la rencontre d’une habitante de Bourges-Avaricum durant l’Antiquité…
Un dépôt particulier d’une nécropole rurale
Diagnostic ostéologique et bilan paléopathologique : comprendre la vie du défunt
L’analyse des ossements, plus particulièrement ceux du bassin, permet de déterminer que ce squelette est celui d’une femme décédée entre 30 et 59 ans. Au cours de sa vie, elle a probablement connu des carences alimentaires chroniques provoquant des anémies et/ou des déficits en vitamines. En effet, sur son crâne apparaissent régulièrement de très petites perforations donnant un aspect criblé à l’os. Principalement concentré à l’emplacement du plafond orbital, ces lésions appelées cribra orbitalia, sont fréquemment observées dans les populations anciennes et témoignent des conditions de vie et d’un accès parfois difficile à une alimentation si ce n’est diversifiée du moins riche en certains nutriments.
Et, ce ne sont pas les seules pathologies habituellement rencontrées dans les populations archéologiques dont l’occupante de F2-137 était victime. Sur ces vertèbres thoraciques et lombaires, des proliférations osseuses annoncent le développement d’une arthrose légère plus probablement lié à l’âge qu’à une activité physique spécifique et répétitive.
C’est l’examen dentaire qui apporte le plus d’informations, voire la cause éventuelle du décès. L’observation du maxillaire révèle la présence d’un abcès sévère sur la 2e prémolaire supérieure droite. Importante, la lésion était probablement visible sur la gencive, à l’emplacement de la dent. Cet abcès s’est développé à partir d’une carie profonde qui n’a pas été soignée. Généralement, la douleur associée à ce type de lésion est intense et ne peut être soulagée que par le froid, la prise d’anti-inflammatoire ou une extraction de la dent. Durant l’Antiquité, toutes ces solutions sont applicables. Elles doivent néanmoins être rapidement mises en œuvre et suivies d’un traitement anti-bactérien efficace afin d’éviter un développement infectieux périphérique. En effet, dans les cas les plus graves, plus rares, les bactéries peuvent circuler jusqu’au cœur et provoquer le décès par endocardite bactérienne.
Soins et pharmacopée antique : une prise en charge « médicale » ?
Là où l’enquête devient vraiment intéressante, c’est lorsque l’on compare ce bilan paléopathologique aux analyses réalisées sur le contenu des récipients. Depuis une quinzaine d’années, des analyses biochimiques associées à de nouveaux procédés scientifiques permettent de détecter des molécules caractéristiques des différentes substances contenues dans des vases en céramique ou en verre.
L’analyse de l’imprégnation de la jatte à collerette révèle la présence de marqueurs chimiques assez concentrés correspondant à une grande quantité de corps gras d’animal non-ruminant sous forme de pièce carnée et/ou sang, à une boisson alcoolique à base de fruits, et à de l’acide pipécolique habituellement trouvé dans les fluides physiologiques humains, notamment l’urine. Si la présence de cette substance peut interroger, elle est en fait largement utilisée depuis l’époque pharaonique et fait partie de la pharmacopée. Des auteurs antiques tels que Strabon et Diodore de Sicile relatent son emploi chez les Celtes pour se laver le corps et se nettoyer les dents, notamment avec de l’urine croupie…
Si nous ne pouvons affirmer que les os de la défunte nous permettent de déterminer les causes de sa mort, les données paléopathologiques et biochimiques se rencontrent pour esquisser son état de santé peri mortem. Surtout, même si ici elle n’a visiblement pas fonctionné ou suffit, les vestiges archéologiques témoignent d’une prise en charge thérapeutique et d’une connaissance pharmacologique nuançant l’impression de fatalité souvent associé aux maladies anciennes.
A propos de l’utilisation de l’urine…
« […] les hommes et les femmes, chez ces peuples, emploient pour se laver et se nettoyer les dents l’urine qu’ils ont laissée croupir dans des réservoirs, comme font, dit-on, les Cantabres et leurs voisins. Cette coutume-là, à vrai dire, et celle de se coucher sur la dure existent aussi bien chez les Celtes que chez les Ibères » (Strabon, Géographie, III, 3, 16).
« Les […] Celtibériens […] observent une coutume étrange : quoiqu’ils soient très propres dans leurs festins, ils ne laissent pas d’être en ceci d’une malpropreté extrême, ils se lavent tout le corps d’urine, ils s’en frottent même les dents, estimant que cette eau ne contribue pas peu à la netteté du corps » (Diodore de Sicile, Histoire Universelle, V, 22).
Bien plus proche de nous, au 18e siècle, Pierre Fauchard, un des premiers chirurgiens-dentistes français, vante les bienfaits de l’urine contre les douleurs dentaires : « j’ai beaucoup soulagé par le remède suivant, plusieurs personnes qui avoient presque toutes les dents cariées et que des fluxions douloureuses tourmentaient très fréquemment. Il consiste à se rincer la bouche tous les matins et même le soir avant que de se coucher, avec quelques cuillérées de son urine tout nouvellement rendue, supposé qu’on ne soit pas malade. On l’y retiendra quelques tems, et il faudra en continuer l’usage. Ce remède est bon, mais il est vrai qu’il ne peut être agréable qu’autant qu’il est capable de procurer un grand soulagement. Quelques-uns de ceux à qui je l’ai conseillé, et qui s’en sont servis, m’ont assuré qu’ils avoient été délivrés de leurs fluxions ausquelles ils étoient continuellement sujets. On a un peu de peine dans le commencement à s’y accoutumer : mais que ne fait-on pas pour son repos et pour sa santé ? »
(Pierre Fauchard, Le chirurgien-dentiste ou Traité des dents, T. 1, 1746)
Rendez-vous au Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoineVenez découvrir ces objets, à partir du jeudi 11 septembre au Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine - Place Simone-Veil (locaux de l’Office de tourisme de Bourges). L’accès est libre et gratuit durant les horaires d’ouverture de l’Office de tourisme de Bourges |
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